Alcibiade ou le stratège stratégique...

Alcibiade fut l'une des grandes figures de la Guerre du Péloponnèse. Ce jeune homme, neveu et pupille du grand Périclès, beau, riche, intelligent et séduisant (il avait souvent avec lui une cour d'admirateurs avec lesquels il allait passer de longues nuits de beuveries) fut élu plusieurs fois stratège d'Athènes, avec son collègue Nicias (dont il n'appréciait pas pleinement la politique), et même en 411 stratège de l'île de Samos, restée démocratique au milieu des tempêtes politiques qui avaient lieu à Athènes. Il fut un brillant stratège, remportant de nombreuses victoires sur le camp Péloponnésien (Il remporta par exemple de brillantes victoires navales entre 410 et 408, à la tête de la flotte de Samos, ce qui lui permit un retour triomphal à Athènes en 407), et ayant de grandioses projets en tête pour la gloire d'Athènes, comme la gigantesque campagne de Sicile (envisagée en 415) ou bien le projet de reconquérir complètement l'Ionie (en 407, après son retour triomphal). De plus, il tenta même de prévenir ses successeurs du danger de se réfugier dans l'étroit port de l'Aigos Potamos.

Par ailleurs, Alcibiade était également égoïste, vaniteux, sans scrupules et démagogue. Ainsi il fut accusé en 415 d'avoir participé à des parodies des mystères d'Eleusis. Pour éclaircir ces accusations, Athènes alla même jusqu'à venir le chercher pendant la campagne de Sicile (de 415). Il avait une politique de guerre totale, qu'il chercha à susciter dès son arrivée au pouvoir, alors que la paix de Nicias régnait depuis 421. A cause de cette politique, il ne fut d'ailleurs pas réélu stratège en 418 (mais le fut en 417). Il chercha à rallumer des conflits contre Sparte (dès son accession au pouvoir: il chercha à allumer un foyer de conflits à Epidaure en 419), même lorsqu'il n'était pas stratège: en 418, étant ambassadeur d'Athènes à Argos, il poussa celle-ci à opter pour la guerre contre Sparte. Il profita de la demande de secours de Ségeste, menacée par Syracuse (en 416-415) pour envisager la gigantesque expédition de Sicile, qui se termina par un échec redoutable pour Athènes. De plus, il mena un jeu politique obscur, profitant par exemple de son retour forcé de Syracuse pour rejoindre le camp Spartiate et organiser ensuite une expédition de Sparte au secours de Syracuse. Une fois dans le camp Péloponnésien, qui comptait alors la Perse dans ses alliés, Alcibiade essaya de monter les Perses contre les Spartiates, espérant réconcilier la Perse et Athènes, mais cela échoua (le roi de Sparte n'appréciant pas qu'Alcibiade ait une idylle avec sa femme). Il mena alors une expédition vers Chios pour essayer de faire se soulever les Cités contre Athènes, tout en intriguant pour y favoriser les révolutions, proposant à ses alliées de leur assurer l'aide des Perses à condition qu'on abolisse la démocratie à Athènes et qu'on le laisse y rentrer. Pendant ce temps, il envoya également un homme à Athènes, pour proposer à l'Assemblée son rappel, et des mesures de rapprochement avec les Perses. Une fois de retour en triomphateur à Athènes, il essaya encore de mener une grande expédition qu'il prépara durant quatre mois, pour reconquérir l'Ionie, mais alors qu'il essayait de regagner Phocée, sa flotte, laissée à Antiochos, subit de graves pertes. Les quatre mois d'inaction d'Alcibiade lui avaient été néfastes, et avaient vu des bouleversements du côté du camp Péloponnésien (entre autres l'arrivée de Lysandre et de Cyrus à la tête respectivement des Spartiates et des Perses).

Ses ennemis politiques jugeant que c'étaient là des fautes impardonnables, Alcibiade fut alors destitué, et s'exila volontairement en Thrace et en Phrygie jusqu'en 406, où il mourut assassiné.

On le voit, Alcibiade fut donc un personnage aux multiples facettes, dont l'intervention changea radicalement le sort de la Guerre. Ses beaux discours de démagogue attiraient les jeunes Athéniens, alléchés par les promesses de gloire et de richesse qu'ils allaient tirer de leurs victoires, alors que les Athéniens plus âgés étaient plutôt du côté de la paix avec Nicias. Ils redoutaient les atrocités de la guerre. Nicias fut pourtant responsable de l'ampleur de la flotte qui leur fut attribuée pour mener à bien la conquête de la Sicile: voyant que ses tentatives pour remettre en cause le principe même de l'expédition échouaient, il demanda que leur soit attribuée une flotte gigantesque, dans l'espoir de décourager ses concitoyens. Cette tentative échoua également, et la flotte qu'il demandait leur fut réellement affectée...

Alcibiade intrigua beaucoup entre les trois forces de cette partie de la Guerre qu'étaient Athènes, Sparte et la Perse, mais toutes ses manigances finirent par mener à la victoire du camp Péloponnésien, et à sa propre mort.

Thalie