La Guerre Navale

La marine Athénienne domina la Mer Egée et avec elle, Athènes construisit un empire. L'instrument de cette puissance navale était la trirème, un navire relativement fragile dont la construction exacte resta un mystère pendant des siècles.

Cependant, récemment une trirème a été bâtie par la marine Grecque, sur les bases archéologiques de plusieurs épaves retrouvées. Une trirème était essentiellement une grosse coque faite pour la vitesse. Son manque de tenue en mer, de confort, et son emport limite en chargement limitaient son endurance et la forçaient à rester près des côtes.

Le pont bas de la trirème la rendait vulnérable aux mers agitées, par conséquent la flotte perdait rarement le contact visuel avec la terre, de façon à pouvoir toujours débarquer en cas de tempête soudaine. Il n'était pas rare qu'une flotte entière soit coulée ou endommagée par des conditions atmosphériques très mauvaises, si l'on considère par exemple les grosses pertes subies par la flotte Perse lors de l'invasion de la Grèce en 480 av JC.

Les quartiers d'équipage limités restreignaient les opérations aux zones côtières, où la disponibilité de nourriture et d'eau permettait a l'équipage de débarquer chaque nuit pour manger et dormir. Ces limitations liaient les forces navales à la même logistique terrestre que les armées.

Les rameurs et barreurs étaient la clé de l'efficacité d'une trirème. Le barreur changeait la puissance motrice des rameurs en manoeuvres. Ce fut la qualité des barreurs Athéniens qui, même après le désastre Sicilien, permit à a marine Athénienne de continuer à défaire flotte après flotte jusqu'à la fin de la guerre. Le moteur de la trirème, ses 170 rameurs disposés en trois tiers, exigeait un entraînement considérable pour faire mouvoir leurs rames à l'unisson à une cadence donnée, manoeuvrant le navire aux vitesses requises et suivant les tactiques du jour. Les équipages actuels mesurent leur entraînement par le temps passé sur l'eau ou simplement par le nombre de milles ramés. Plus l'équipage rame, plus il devient efficace et plus vite et longtemps il peut ramer. Dans la Grèce ancienne, c'était généralement le camp dont les rameurs avaient la plus grande endurance et la plus grande vitesse qui remportait la victoire.

L'entraînement, qui était coûteux, devait être constant et régulier, ou les équipages perdraient leur mordant. La mission de protection du commerce Athénien n'était pas seulement nécessaire pour que l'état reste économiquement viable, mais était une condition nécessaire à l'efficacité de la marine. Le lien de la Marine Athénienne avec l'empire n'était donc pas seulement économique, mais aussi symbiotique.

Les batailles navales anciennes ressemblaient généralement à une bataille terrestre sur des plate-formes flottantes. Les forces adverses se rapprochaient et le combat était l'affaire de soldats embarqués qui abordaient les trirèmes ennemies, de troupes armées de projectiles et de rameurs armés.

Cependant, les Athéniens développèrent une nouvelle doctrine s'appuyant sur l'arme secondaire du navire, l'éperon. L'éperon était situé à l'avant du navire et était utilisé pour ouvrir un trou dans le côté de la trirème ennemie et la couler. La préférence Athénienne dans l'éperonnage leur permettait de transporter moins de troupes d'assaut et permettait donc d'avoir des navires plus légers et plus manoeuvrables. Des opérations constantes en temps de paix donnaient à la marine Athénienne et à elle seule l'entraînement nécessaire pour réussir les manoeuvres plus complexes rendues nécessaires par leur doctrine d'éperonnage. Pour que ce genre de manoeuvres réussisse, il fallait à la fois pouvoir porter l'attaque sur le flanc ennemi et l'effectuer à une vitesse optimale permettant d'éventrer le navire ennemi sans pour autant y rester fiché. La principale difficulté de l'éperonnage résidait donc dans les manoeuvres d'approche. On connaît deux stratégies couramment utilisées à l'époque classique et visant à mettre l'ennemi à la merci des éperons d'une flotte.

Le périplous consistait à étendre la ligne d'attaque de manière à déborder l'adversaire de manière à pouvoir effectuer une manoeuvre de flanc dans laquelle les navires aux extrémités de la flotte contournaient les trirèmes ennemies et pouvaient ensuite les menacer par le flanc et par l'arrière. Il était malaisé au défenseur de parer par des manoeuvres au débordement ennemi car alors il aurait risqué de se mettre à la merci de la ligne d'attaque principale de son adversaire. Ici des navires plus rapides avaient un avantage puisqu'ils pouvaient contourner l' ennemi avant qu'il ne puisse prendre de contre-mesure comme l'élargissement de sa ligne de défense. En août 429 avec seulement 20 trirèmes, le stratège athénien Phormion parvint à vaincre une escadre de 47 bâtiments péloponnésiens en ayant recours à cette technique.

Une autre manoeuvre d'approche, le diekplous, avait plus que le périplous la faveur des tenants de la stratégie de l'éperon. Cette technique consistait à se présenter en ligne de file sous la conduite du navire amiral, à se glisser entre les navires ennemis et les rasant de près de manière à briser leurs avirons puis à prendre à revers l'adversaire désemparé. Au IIe siècle, Polybe tenait encore le diekplous pour la manoeuvre la plus efficace dans une bataille navale.

On connaît essentiellement trois types de parade à ce genre d'approche.

Un déploiement sur deux lignes de front au lieu d'une suffisait ainsi à transformer le diekplous en manoeuvre extrêmement périlleuse.

Une autre technique utilisée fut le déploiement en quinconce: ce fut lui qui assura aux athéniens la victoire des Arginuses en 406.

Une troisième contre-mesure, le kyklos ou formation en cercle était également reconnue. Hérodote en attribue l'invention à Thémistocle lors de la bataille de l'Artémision contre les Perses. Le kyklos ne suffit pas à sauver les 47 navires lacédémoniens attaqués par Phormion en 429. En général, pourtant, il permettait à une flotte inférieure en nombre ou en vitesse de se protéger tant bien que mal.

La marine du Péloponnèse comptait principalement sur la doctrine plus conservatrice de l'abordage. Par conséquent, ils construisaient des navires avec plus de place pour les troupes. Plus d'espace impliquait des navires plus gros, plus lents, moins capables de s'opposer à la technique Athénienne de l'éperonnage. Cependant, ce qu'ils sacrifiaient en manoeuvrabilité était en principe compensé par la puissance. La doctrine Athénienne d'éperonnage exigeait plus d'espace que les tactiques d'abordage, pour ce qui est de se mettre en position et atteindre la vitesse d'éperonnage. Les amiraux du Péloponnèse essayaient d'interdire aux Athéniens l'utilisation de l'espace marin afin d'empêcher toute tentative de monter une attaque d'éperonnage. Cependant, malgré la préférence Athénienne pour l'éperonnage, la majorité de leurs victoires furent obtenues par abordage.

La stratégie de l'abordage était directement inspirée du schéma des manoeuvres terrestres. Dans la mesure où cette pratique nécessitait une marine de moindre entraînement et où l'éperonnage lui-même nécessite forcément un contact rendant possible l'abordage, elle finit par prévaloir.

Avec la fin de la Guerre du Péloponnèse, le règne dans partage de la trirème sur la marine de guerre hellénique est en passe de prendre fin. D'une part la seule cité capable de tirer le meilleur parti de la trirème et de son éperon a perdu sa marine et une grande partie de ses marins, d'autre part à Syracuse on développe de nouveaux navires. La trirème nécessitait des rameurs expérimentés sachant faire bon usage de leur rame. Désormais il y aura quatre, cinq ou six hommes par rame dont il suffira qu'un seul soit homme d'expérience. De plus les nouveaux gros navires des chantiers de Syracuse sont à pont complet et solidement renforcé de manière à ne plus craindre l'éperonnage. Bientôt même, ces nouveaux navires, quadrirèmes, quinquérèmes et heptères s'équiperont de machines de guerre: catapultes et tours de combat. La guerre navale allait peu à peu changer de nature.

Zarovitch et Amphisbène